Etre ou ne pas être mère, telle est la question


En lisant (l’excellent) Sorcières, la puissance invaincue des femmes de (l’excellente) Mona Chollet, je me suis interrogée sur cette question du désir d’enfant et comme je suis sympa, je me suis dit que j’allais partager ces réflexions avec vous (avec l’espoir secret que vous réfléchissiez avec moi).

Dans la deuxième partie de son ouvrage, elle pose la question du désir de stérilité et par là-même celui de la maternité.

Chez moi, c’est mon corps qui a eu envie d’un enfant, bien avant que je me sois formulée le désir dans ma tête.

J’avais 18 ans, un mec régulier, avec qui je partageais une partie de mon cœur et de mon lit. Je vivais seule (enfin, en coloc avec une dingo mais ça, c’est une autre histoire), je démarrais mes études de psycho et d’un coup, comme une envie de pisser, j’ai eu envie d’être enceinte. Vraiment, d’être enceinte. D’avoir un bébé dans mon ventre. C’était une envie physiologique très forte, comme la faim, la soif ou l’envie de faire pipi. Il n’était pas question d’avoir un enfant à ce moment là, clairement. J’étais très jeune, je commençais à peine à me construire un avenir mais l’envie était là, logée dans mon ventre, dans mon utérus. La question a pris tellement de place que j’en rêvais la nuit. Je me souviens même d’avoir appelé mon mec un matin pour lui demander si nous avions eu un enfant tant le rêve était réaliste et la distinction rêve et réalité difficile à démêler. Je me souviens avoir partagé ces ressentis avec ma mère qui m’avait confié avoir vécu une expérience similaire, à peu près au même âge que moi (elle ne sera tombée enceinte que bien plus tard). Et puis un matin, pouf, l’envie était partie, comme elle était venue.

Devenir mère, un jour, est une évidence depuis toujours et je m’interroge énormément sur l’origine de ce désir, à la fois profondément socialement construit et en même temps si charnel, si instinctif, si animal, que je me demande quelle est la part de l’innée et celle de l’acquis.

La proposition d’Elizabeth Gilbert, reprise par Mona Chollet,  est de penser trois catégories de femmes : « celles qui sont nées pour être mères, celles qui sont nées pour être tantes et celles qui ne devraient en aucun cas être autorisées à s’approcher d’un enfant à moins de trois mètres ». Pour elle, « il est très important de comprendre à quelle catégorie on appartient, car les erreurs dans ce domaine engendrent chagrin et tragédie ».

Et en même temps, je ne peux m’empêcher d’entendre s’opposer chaque camp, comme si les mères devaient défendre leurs choix, les femmes qui au contraire ont choisit de ne pas enfanter devaient elles aussi revendiquer la légitimité du non-désir, et les autres de se sentir jugées par ceux qui « détiennent » le savoir suprême de la raison. Au delà même de la catégorie dans laquelle on se trouve, c’est surtout la question du référentiel qui est posée, comme si de base la femme avait le désir, plus ou moins conscient, d’être mère.

Mona Chollet pointe justement ce prédicat comme étant le fondement de cette norme sociale ancrée, qui a pu pousser des femmes à devenir mères, 1) parce que c’était ce qu’on attendait d’elles (qui est ce on ?) 2) par peur de le regretter un jour, alors même que la maternité est vécue comme un fardeau, une croix, un poids.

Au fond, que la femme soit programmée pour donner la vie ou pas ne me semble pas très important. Et si la femme était programmée pour ça,

  • que son corps soit conçu pour accueillir un fœtus, nourrir un enfant,
  • et que ses pulsions, si tant est qu’on puisse les dissocier des influences de genre, soient tendues vers cet objectif absolu : fabriquer un enfant / devenir mère,
  • que ce désir soit conscient chez certaines, inconscient chez d’autres,

est-ce que cela serait vraiment important ?

Parce qu’inviter une femme à faire un gosse alors qu’elle en a pas envie, en lui supposant un désir inconscient primordial, ne serait pas priver la femme de son choix à être qui elle est, ? D’ignorer ce qui est inconscient ? De se placer en priorité dans sa vie, peu importe ce qui es caché ? C’est là, me semble-t-il la violence suprême, celle de considérer qu’on sait mieux que la femme ce qui est bon pour elle. Considérer que ce qui est juste pour moi est juste pour l’autre. Au fond, être ou ne pas être (mère) n’est-elle pas la question la plus intime qui soit ? Et celle où la vérité existe le moins ?

Qu’est ce qu’on s’en fout, que le désir soit inconscient ?

Cette lecture met en lumière à quel point nous refusons à l’autre sa responsabilité et son libre arbitre.  A quel point nous refusons aux femmes le choix. La liberté.

Je propose qu’on laisse les femmes (et les hommes) libres. Et si l’inconscient n’est pas d’accord, tant pis, il n’avait qu’à se manifester plus clairement.

Crédit photo : Peter Miranda via Unsplach