Repousser les limites


Depuis que la Biscotte est née, je ne compte plus le nombre de fois où les gens m’ont dit “alors, ça fait quoi d’être maman ?” et pour être tout à fait honnête, pendant longtemps, je n’en savais rien.

Tout dans mon quotidien avait changé et peu de choses à la fois, ce qui est très étrange comme sentiment.

Il y avait quelque chose de différent mais je ne savais pas dire à quel endroit de mon être ce quelque chose était situé … jusqu’à hier.

Hier matin, je m’occupais de la Biscotte, comme tous les matins. Débarbouillage, vitamine D, bisous sur le ventre, les ongles, chanson, le nez. Le nez. Tous les matins, je pschitte du sérum phy dans le nez de la Biscotte puis je mouche avec un mouche-bébé. Je vous vois venir les parents bienveillants qui estiment que trop de mouchage, c’est de la maltraitance. Moi, ma fille, si je ne la mouche pas tous les matins, elle n’arrive pas à respirer, elle s’étouffe et elle est mal. Donc, hier matin, le nez. Et le drame. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé mais je me suis retrouvée avec de la morve de bébé plein la bouche. Au lieu de hurler, jeter ce putain de mouche-bébé par terre en jurant la terre entière ou de me rouler en boule sous la table en langer en appelant ma maman, j’ai souri à ma fille, j’ai posé le mouche-bébé, j’ai recraché ce que j’avais dans la bouche et j’ai poursuivi la toilette du matin, tranquillement.

Et j’ai compris.

Devenir maman, c’est repousser ses limites. Parfois dans la douleur, parfois sans s’en rendre compte, parfois par choix, parfois parce qu’on ne peut pas faire autrement. Dans tous les cas, depuis 6 mois, je repousse les limites.

L’accouchement

Déjà, on commence par là. Accoucher est en soi un sacré dépassement et avant ça, je ne me pensais pas capable d’endurer une douleur aussi puissante avec le sourire.

Le sommeil

Je n’ai jamais été grosse dormeuse. Je ne fais pas de sieste, je ne dors jamais jusqu’à midi et je m’endors m’endormais rarement avant minuit. Sauf que me coucher sereinement à la fin de ma journée pour me réveiller tout aussi sereinement suffisamment reposée 8h plus tard, ça ne m’est pas arrivé une seule fois en 6 mois. Et très honnêtement, je ne savais pas qu’on pouvait aussi peu dormir sur une aussi grande période sans mourir. Et encore, je sais que 1) ça ne fait que 6 mois donc je n’ai pas le cul sorti des ronces 2) la Biscotte est plutôt cool question sommeil nocturne donc je ne peux pas trop me plaindre. (En gros, exceptées les premières semaines avec des réveils toutes les 2h, les pics de croissance, les dents et tout le tralala, la Biscotte s’endort à 20h pour se réveiller à 6h30.)(Ce qui est trop tôt mais pas si pire.)

L’hygiène

Tu vois le cliché de la meuf en vrac, cheveux sales et emmêlés et t-shirt plein de vomi ? Ben c’était moi les 3 premiers mois. J’exagère à peine. En vrai, le premier mois, j’étais obligée d’attendre que mon mec rentre du boulot le soir pour prendre une douche (et faire pipi), je suis passée d’un shampoing quotidien à un shampoing hebdo et j’ai tourné avec un short et deux tops. Pendant un mois.

Aujourd’hui encore, je dois composer avec le vomi sur la manche et le maquillage à l’arrach dans la voiture parce que je n’ai pas eu le temps de me préparer avant de quitter la maison, je tourne toujours avec trois tenues et demi parce que sont les seules qui sont compatibles avec l’allaitement et j’ai opté définitivement pour le chignon de type “en bordel”.

Je passe volontairement sous silence le rangement et le ménage de la maison parce que de vous à moi, c’est devenu un non sujet.

Vous me direz que l’apparence et le ménage sont des sujets bien secondaires au regard de la joie de donner la vie. Certes. Mais entre nous, je ne pensais pas que j’étais capable de passer une journée entière sans faire pipi.

Le calme

Le calme est un lointain souvenir. La Biscotte bouge tout le temps, elle gigote sans cesse et ne tient pas en place. Le plan du bébé qui reste tranquille dans son parc à jouer avec ses mains, tu oublies. Elle, elle déteste être enfermée, préfère être portée (tu m’étonnes) et adore participer aux moments de vie ce qui veut dire que je viens de passer 6 mois à manger avec un bébé sur les genoux qui se tortille dans tous les sens, cherche à jouer avec le couteau ou à tremper ses doigts dans l’aïoli.

Rester zen

En résumé, voilà 6 mois que je ne dors pas assez, que je ne peux pas prendre de douche ou faire pipi quand je veux, que j’ai un gigot de 8kg500 dans les bras quand je cuisine, du vomi sur le pull et le temps de ne rien faire. Et ce que je trouve fou, c’est que je tiens. Je ne m’énerve jamais contre elle. Evidemment, il y a eu des moments où j’en avais plein le cul et où je me laissais aller à la colère ou au désespoir, genre quand tu dois changer de T-shirt pour la 4ème fois en 20 min parce que le vomi. Mais à chaque fois que j’ai glissé vers le côté obscur, il m’a suffit de regarder ma fille pour réussir à me remobiliser, évacuer stress, colère et lassitude pour être de nouveau entièrement disponible pour elle. En écrivant ces lignes, je me dis que peut-être que c’est moi qui était un peu trop nerveuse avant d’être mère et que pour vous, il est facile de ne pas s’agacer des situations déplaisantes. Pour moi, c’est une sacrée nouveauté.

Au fond, le point commun de toutes ces situations, c’est que depuis que je suis devenue maman, la Biscotte passe avant le reste. Son besoin d’être rassurée la nuit passe avant mon besoin de sommeil, sa découverte du monde, sa curiosité, ses expériences passent avant mon calme, son corps passe avant le mien. La regarder grandir et lui offrir toutes les conditions possibles pour s’épanouir sont désormais mes moteurs et peu importe si cela implique d’aller chercher des ressources que je ne pensais pas mobilisable, peu importe si je dois repousser les limites un peu plus tous les jours.

Est-ce que je m’oublie dans l’affaire ? Je ne crois pas. Plus que jamais je me sens femme. A ma place et confiante dans mes choix. Amoureuse de mon mari, complice.

Devenir mère a juste mis à jour cette partie de moi capable de ne pas exister, pour faire de la place à la génération suivante.